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CA S’EST PASSE UN 14 NOVEMBRE 14 novembre, 2011
Du côté de chez Swann, c’est en 1913.
Le 14 novembre 1913, Marcel Proust publie à compte d’auteur Du côté de chez Swann.
L’écrivain ajoutera six tomes à ce livre hors du commun pour en faire le roman le plus long et l’un des plus beaux de la langue française sous le titre À la recherche du temps perdu. Au total, 17 ans de travail acharné.
Dilettante cherche éditeur compréhensif…
Tout commence par une déconvenue : en 1909, l’éditeur Alfred Vallette refuse le manuscrit Contre Sainte-Beuve. Marcel Proust reprend son texte et par retouches et additions successives en fait un roman, d’abord intitulé : Les intermittences du coeur, Le temps perdu, puis Du côté de chez Swann, À la recherche du temps perdu.
«Je suis peut-être bouché à l’émeri, mais je ne puis comprendre qu’un monsieur puisse employer trente pages à décrire comment il se tourne et se retourne dans son lit avant de trouver le sommeil !»C’est ainsi que le directeur de la maison d’édition Ollendorf justifie son refus de publier en 1913 la première partie de Du côté de chez Swann. Et il ne sera pas le seul à reculer devant ce manuscrit indéchiffrable, sans chapitre ni alinéa, couvert de ratures et à la taille totalement démesurée !
Les lecteurs professionnels de chez Fasquelle, éditeur de Gustave Flaubert et Émile Zola, s’arrachent eux aussi les cheveux : «Au bout de sept cent douze pages de ce manuscrit [...], après d’infinies désolations d’être noyé dans d’insondables développements et de crispantes impatiences de ne pouvoir jamais remonter à la surface, on n’a aucune, aucune notion de ce dont il s’agit. Qu’est-ce que tout cela vient faire ? Qu’est-ce que tout cela signifie ? Où tout cela veut-il mener ? Impossible d’en rien savoir ! Impossible d’en pouvoir rien dire !»
Arrivé chez Gallimard, toute jeune maison d’édition, le document est encore dédaigné «pour son énormité et pour la réputation de snob qu’a Proust». On dit même que le comité de lecture, présidé par André Gide (il en restera honteux à vie), se serait contenté de parcourir quelques passages de cette montagne de pages compactes avant d’opter pour un rejet définitif.
Finalement, Proust parvient à être publié chez Bernard Grasset mais à la condition… de payer lui-même les frais d’édition ! Il doit donc puiser dans sa fortune personnelle, fruit d’un héritage bienvenu, pour faire paraître son texte à compte d’auteur, le 14 novembre 1913. Le public reconnaîtra néanmoins son talent après les articles enthousiastes de Paul Souday et Henri Ghéon, critiques aujourd’hui oubliés. Le prix Goncourt consacrera enfin l’auteur en 1919 en récompensant À l’ombre des jeunes filles en fleurs(NRF, 1918).
Savez-vous que la fameuse madeleine qui permit à Proust de se replonger dans son enfance près de Chartres, à Illiers (rebaptisé Combray dans le roman) était à l’origine une simple tranche de pain grillé ? Relisons le passage devenu l’exemple parfait pour illustrer le phénomène de la réminiscence :
« [...] machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. [...] J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle? Que signifiait-elle ? » (extrait de Du Côté de chez Swann).
Un très grand écrivain !!!
ARSENE GRISALI