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CA S’EST PASSE UN 4 SEPTEMBRE
Drame familial à Villequier, c’est en 1843.
Charles Vacquerie, fils aîné d’un riche armateur du Havre, découvre la famille de Victor Hugo par l’intermédiaire de son frère Auguste, un admirateur du poète.
Il fait la connaissance de Léopoldine, sa fille. Les deux jeunes gens s’éprennent passionnément l’un de l’autre. Ils se marient au printemps 1843 malgré l’opposition de Victor Hugo. Léopoldine a alors 19 ans et Charles 27.
Le matin du 4 septembre 1843, le couple est à Villequier, sur une boucle de la Seine, dans la maison de vacances de la famille Vacquerie.
Charles doit rendre visite à son notaire, à Caudebec-en-Caux, à trois ou quatre kilomètres en amont, sur la même rive.
Comme le temps est au beau fixe, il emprunte le canot tout neuf que vient de recevoir la famille. Son oncle et le jeune fils de celui-ci l’accompagnent…
Le drame
Léopoldine, encore à sa toilette, regrette de ne pouvoir les suivre. Là-dessus, à peine partis, les voyageurs reviennent à quai pour charger sur le canot à voile des pierres de lest. La jeune femme, qui s’est entre temps apprêtée, décide de les accompagner.
Le notaire de Caudebec fait remarquer à ses hôtes que le vent s’est levé sur la Seine. Il leur propose de les raccompagner dans sa voiture mais le petit groupe préfère les joies de la navigation.
Las, dans la boucle de la Seine, un coup de vent inattendu fait chavirer le canot. L’oncle et le neveu de Charles se noient. De la rive, des paysans distinguent un jeune homme qui, à plusieurs reprises, se hisse sur l’embarcation et replonge aussitôt. Ils diront plus tard avoir cru à un jeu.
Il s’agit en fait de Charles Vacquerie qui, une demi-douzaine de fois, tente de délivrer sa jeune épouse, piégée sous le canot par ses vêtements. N’y arrivant pas et la voyant mourir, cet excellent nageur se laisse à son tour couler.
Quelques heures plus tard, une charrette funèbre ramène à la maison quatre corps inanimés. La mère de Léopoldine, Adèle Hugo, est rapidement alertée. Il n’en va pas de même de son père, en voyage en Espagne avec sa maîtresse Juliette Drouet.
Le poète découvre le sort tragique de sa fille préférée à son arrivée à Rochefort, le 9 septembre 1843, en lisant dans Le Siècle le récit du drame par le journaliste Alphonse Karr. «On m’apporte de la bière et un journal, Le Siècle. J’ai lu. C’est ainsi que j’ai appris que la moitié de ma vie et de mon cœur était morte» écrira-t-il plus tard.
Ce drame va bouleverser la vie de Victor Hugo, chef de file de l’école romantique, pair de France, gloire du royaume. Mesurant la fragilité de la vie et du bonheur, l’écrivain mûrit très vite. Pendant plusieurs années, il s’abstient de toute publication. Il s’initie aussi au spiritisme et aux tables tournantes. Enfin, ce pilier de l’ordre monarchique et bourgeois se mue en héraut des humbles et de la République.
Auguste Vacquerie, le jeune frère de Charles, demeure l’ami de la famille et le confident de Madame Hugo. À Jersey et Guernesey, où le clan Hugo s’exile sous le Second Empire, il multiplie les reportages photographiques.